Enseignante
Alejandra Riera

Invitée
Lotte Arndt

Intervenantes
Ricardo Liong A Kong, Jumana Manna, Ariane Theveniaud,
Alexandre Girard-Muscagorry, La semeuse, et tou.tes les intervenant.e.s du colloque à l’INHA
 

Semestre 1, 2022 (novembre – décembre)

Descriptif

« Dans une séquence du film documentaire Palimpseste du AfricaMuseum de Matthias de Groof (Belgique, 2019) qui suit la mise en réserve de l’entièreté des collections, pour la rénovation à grande échelle du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren (2013-2018), des travailleur.euse.s nettoient les vitrines vides. Vêtu.e.s d’une combinaison blanche de protection, d’un masque respiratoire et de gants en nitrile, iels ne peuvent accéder aux espaces clos, qui renfermaient pendant plus d’un siècle les objets comme des capsules temporelles, qu’à la condition de porter un important équipement de protection personnelle les abritant des poussières toxiques. Derrière les vitres des dioramas et des vitrines, les artefacts du Congo ont été traités aux biocides pendant des décennies pour éviter leur décomposition matérielle et leur endommagement par des insectes. Ces traitements, administrés afin de prolonger la durée de vie matérielle des artefacts, se sont pour certains sédimentés dans les matières et peuvent y déployer une agentivité. Cette survivance toxique peut alors interférer avec les usages présents et futurs des artefacts, empêcher des pratiques tactiles et demander la mise en place de mesures de protection. » [Lotte Arndt dans « Les survivances toxiques des collections coloniales »]

« Ces journées de travail en commun nous permettront de questionner les modes conservation d’œuvres du passé mais aussi, et surtout d’engager aujourd’hui une réflexion importante sur nos modes de production d’œuvres et à la base de nos vies memes. Jusqu’où faut-il aller pour préserver ? Qu’est-ce qu’on préserve au juste ? Où ? Pour qui ? Est-ce qu’au-delà de la conception d’œuvres, les artistes, les personnes ou les collectifs qui réalisent des œuvres, peuvent aussi réfléchir sur le devenir de leurs productions artistiques ? Pensons-nous à la destinée et le temps de vie des œuvres que nous fabriquons ? Pensons-nous assez et concrètement aux modes de circulation des œuvres que nous avons fabriquées ? Après leur conception, quelles formes de vie concernent les œuvres dits d’art ? Leur accordons-nous un droit d’usage possible et comment cela s’imagine concrètement ? De quoi se nourrit une œuvre d’art et qu’est-ce qu’elle nourrit ? Ces questions sont rarement posées : pourtant, les œuvres produites remplissent des lieux de stockages et toute une économie née autour de leur préservation et présentation. Beaucoup d’œuvres dorment dans des lieux sombres en attendant d'être ramenées à la vie. Qu’est-ce qui rend une œuvre vivante ? Qu’est-ce qui donne à une œuvre du passé son actualité ? L’œuvre a-t-elle un lieu qui lui correspond pour transmettre tout son sens, ou est-ce qu’elle peut être présentée n’importe où ? Toute œuvre se doit d’être conservée ou la notion du périssable dans les arts de faire est-elle à repenser ?

Partir de cas concrets du passé et du présent de certaines collections et expositions, nous permettra de soulever des apories : nous allons par exemple évoquer le destin d’instruments de musique bien conservés dans une collections muséale. Ces instruments fragiles, difficiles à conserver dans le temps, se retrouvent ainsi réduits à une existence formelle d’objets du regard devenus des légendes écrites dans des fiches et classements disponibles surtout pour l’anthropologie. Rendus muets, ces instruments existent mais dans un statut nouveau, entre une vie matérielle et des potentialités désactivées. Comment faire revivre leur sonorité, Seulement leur sonorité, les entendre et les épouver ?

En réfléchissant au destin d’œuvres, nous pourrons peut-être mieux imaginer des productions qui pensent à ces questions concernant l’usage, la circulation, les matériaux convoqués, la vie et la fin de vie de ce que nous faisons, où nous le faisons et pour qui. » A.R.

Lotte Arndt sera avec nous pour parler de ses recherches, et pour échanger avec vous sur vos propres recherches, questions et des travaux possibles.

 

Rendez-vous

1er date lundi 17 OCTOBRE 2022 - 10h30 salle 005

Lotte Arndt sera avec nous pour une première rencontre à l’écoute de toutes les étudiant.e.s inscrit.e.s. Après une introduction aux questions et problématiques des rencontres de ce semestre, nous vous invitons à évoquer vos propres recherches, matériaux, modes de production, et questionnements, de manière à entamer les journées du module ensemble dans une situation d’échange. Il sera également évoqué la possibilité de contribuer au site du projet "Reconnecting Objects".

2e date : mercredi 2 NOVEMBRE 2022

Matinée au Laboratoires d’Aubervilliers

 

Rencontre avec le lieu et les personnes qui portent « La semeuse ».

« La Semeuse initie une réflexion autour de la place du vivant dans nos sociétés contemporaines. » « L’artiste et architecte Marjetica Potrč, en collaboration avec RozO Architectes, a entamé en 2010 une recherche intitulée La Semeuse ou le devenir indigène, mettant en relation la biodiversité végétale et la diversité culturelle de la ville d’Aubervilliers. Le projet a été développé en 2011 par Guilain Roussel, paysagiste ; puis par Margaux Vigne. De 2013 à 2015, Ingrid Amaro en assuré la coordination et le développement » ; entre 2015 et 2019, Ariane Leblanc le prolonge et l’enrichit à l’aune des questions et urgences liées à notre environnement tant humain que naturel ainsi qu’à notre manière d’habiter le monde. Depuis, Camille Gigot accompagne La Semeuse.

 

Visite du jardin joyeux, Maladrerie, Aubervilliers,

https://www.wagon-landscaping.fr/joyeux-1

 

Pause

 

Après-midi

Conférence de Lotte Arndt

Sur son travail de recherche interrogeant les modalités de la conservation muséale.

Alors que les derniers mois ont vu dans plusieurs pays ce qui pourrait initier une "ère des restitutions" (Ciraj Rassool), appelées de leurs vœux par de nombreux.ses activistes et publics intéressés parfois depuis des décennies, et accélérées de façon décisive par le rapport Sarr-Savoy (2018), il se pose la question si ces transferts potentiels vont effacer les transformations profondes effectuées par les mouvements asymétriques des objets et des personnes depuis la période des collectes coloniales et la constitution des collections muséales dites « ethnographiques ». La présentation se concentrera sur l’ambition du musée occidental de « pérenniser le périssable » (Tiziana Beltrame) et des effets matériels et sémantiques persistants des méthodes de conservation. Le régime muséal européen prolongera-t-il ses méthodes et principes au-delà du séjour des objets dans les vitrines et réserves en Occident ? En quelle mesure la conception de la conservation comme stabilisation matérielle d’un objet dans le temps participe à cette organisation matérielle et épistémologique ?
 


 

3e date : mercredi 9 NOVEMBRE

Matinée : Bétonsalon, centre d'art et de recherche, Paris, 75013 (métro Bibliothèque, ligne 14)

10 h accueil

10.15 -11.15 Projection : Jumana Manna : Wild Relatives, (64min, HD video, 2018)

11.15 - 11.45 discussion

12 - 12.30 visite de l'exposition de Judith Hopf

Visionnage collectif de film Wild Relatives (64min, HD video, 2018) de Jumana Manna.

Suivi par des échanges avec l'artiste. A travers la sculpture, le cinéma et l’écriture, Jumana Manna traite des paradoxes des pratiques de conservation, en particulier dans les domaines de l’archéologie, de l’agriculture et du droit. Sa pratique considère la tension entre les traditions modernistes de catégorisation et de conservation et le potentiel indiscipliné du périssable comme partie intégrante de la vie et de sa régénération. Jumana a grandi à Jérusalem et vit à Berlin.

« Dans les profondeurs de la terre, sous le pergélisol arctique, des graines du monde entier sont stockées dans la Svalbard Global Seed Vault pour fournir une sauvegarde en cas de catastrophe. Wild Relatives commence par un événement qui a suscité l’intérêt des médias du monde entier : en 2012, un centre international de recherche agricole a été forcé de déménager d’Alep au Liban en raison de la révolution syrienne transformée en guerre, et a commencé un processus laborieux de plantation de leur collection de semences des sauvegardes Svalbard. Suivant le chemin de cette transaction de semences entre l’Arctique et le Liban, une série de rencontres dévoilent une matrice de vies humaines et non humaines entre ces deux endroits éloignés de la terre. Le film saisit l’articulation entre cette initiative internationale à grande échelle et sa mise en œuvre locale dans la vallée de la Bekaa au Liban, réalisée principalement par de jeunes femmes migrantes. Le rythme méditatif démêle patiemment les tensions entre les approches étatiques et individuelles, industrielles et biologiques de la conservation des semences, du changement climatique et de la biodiversité, dont témoigne le voyage de ces semences. »

 

Après-midi :

Visite des expositions Difé et La nuit de Minia Biabiany, Palais de Tokyo

Accompagné par Yoann Gourmel, curateur des expositions

 

Minia Biabiany questionne dans son travail la relation au territoire et au lieu à partir du contexte caribéen et guadeloupéen — sa poétique, son histoire coloniale, son présent comme territoire dominé et sous assimilation. Sa démarche artistique s’accompagne de la conception d’outils pédagogiques à la recherche d’un apprentissage autonome et de manières d’habiter les tensions de ce territoire, d’une sensibilité continue aux lieux dans lesquels elle évolue, ainsi que de la mise en dialogue des différentes voix qui ont signalé à travers l’histoire les processus de colonialité de la région insulaire qu’elle habite. Dans sa pratique, le tressage sert de paradigme pour penser les structures de la narration et du langage ouvrant à une multiplicité de modes de connaissance, tandis que le dessin dans l’espace engage une façon d’interagir de manière active avec sa propre perception. Comment la perception de l’espace est-elle façonnée par notre propre histoire de façon à la fois physique et mentale ? Inversement, comment l’espace psychologique et mental est-il impacté par l’espace qui nous entoure ? (texte : Palais de Tokyo) 

4e date : mercredi 16 NOVEMBRE 2022

Lieu : Musée de la musique, Paris 75019 (La Vilette)
 

Journée avec Ariane Théveniaud conservatrice-restauratrice du patrimoine et doctorante qui mène une recherche sur la restauration des instruments de musique. Sa thèse a pour objectif "d’étudier et d’interroger la prise en compte de la valeur fonctionnelle des instruments de musique non-occidentaux lors de l’intervention de conservation-restauration, de la seconde moitié du XIXe siècle à nos jours. »

Nous nous attarderons sur son étude théorique et pratique à partir d’un corpus de luths conservés au Musée de la musique (Cité de la musique-Philharmonie de Paris), au musée du quai Branly – Jacques Chirac et au musée des Instruments de Musique de Bruxelles.

Alexandre Girard-Muscagorry, responsable des collections non-européennes de la Cité de la musique, nous introduira par une visite dans cette collection particulière d’instruments de musique.

https://www.chcsc.uvsq.fr/mme-ariane-theveniaud

 

5e date : mercredi 23 NOVEMBRE 2022

Journée avec RICARDO LIONG A KONG

Artiste né à Paramiribo (Suriname) travaillant depuis plusieurs années au Dutch Art Institut, Roaming Academie, au Pays Bas menera cette journée avec nous. Dans sa pratique artistique, Ricardo collectionne des objets qui sont liés de manière singulière à sa vie et la manière dont il entend ce qu’est la vie, l’art, la poésie. Pour lui il s’agit de maintenir vivante une partie de sa mémoire. Depuis des années, il tricote ses propres pulls et lorsqu’ils commencent à se décomposer, il en refait un autre en réutilisant aussi la laine du pull précèdent. Cela veut dire que tous ces pulls précédents n’existent que dans les fils du dernier. Cette pratique est une forme de réflexion qui touche celles que nous posons aussi. On passera la journée en dialogue entre sa pratique et la votre, dans un va-et-vient entre gestes et dialogues.

 

6e date lundi 12 DECEMBRE 2022

Le groupe d’étudiant.e.s suivra la Journée d’étude à l’INHA intitulée : « Conservations divergentes. Préservation et transmission des collections de provenance coloniale en débat ».

 

INHA, galerie Colbert, auditorium Jacqueline Lichtenstein - 9H-17H

 

https://www.inha.fr/_resources/AGENDA/2022-2023/2022_INHA_Rencontre_GAP_Conservations%20divergentes_web.pdf

 

La conservation muséale en Occident s’est longtemps concentrée sur la préservation physique des objets. Pour stabiliser les artefacts dans le temps, il s’agissait notamment de les soustraire aux influences environnementales changeantes. Aujourd’hui, le régime de patrimonialisation est interrogé et contesté à de nombreux égards. Si collectionner, classer, ou encore exposer ont fait partie d’un système de contrôle sur le monde, attribuant des significations à des objets isolés et stabilisés matériellement, peut-on réinscrire ces artefacts dans des contextes et des pratiques vivantes ? Une transformation du principe de conservation est-elle possible si des approches multiples sont discutées et appliquées ? Comment repenser les sciences du patrimoine et leur rapport aux objets en prenant en compte les demandes de décolonisation formulées de par le monde ? 

 

En partenariat avec l’université de Berne, le Fonds national Suisse pour la recherche scientifique, et l’université technique de Berlin.

Comité scientifique : Lotte Arndt (Université technique de Berlin), Yaëlle Biro (chercheuse et curatrice indépendante), Manuel Charpy (laboratoire InVisu, CNRS/INHA), Noémie Étienne (Université de Berne), Zahia Rahmani (INHA)

Comité d’organisation : Lotte Arndt (Université technique de Berlin), Noémie Étienne (Université de Berne)

Parmi les intervenant.e.s : Fatima Fall Niang (Centre de recherche et de documentation du Sénégal, Université Gaston Berger, Saint Louis), Isabel Garcia Gomez (Musée d’ethnographie de Genève), John Moses (Canadian Museum of History, Gatineau, Canada), Rosanna Raymond (Auckland University of Technology, Nouvelle Zélande), Ariane Théveniaud (Paris, Fondation des Sciences du Patrimoine), Chantal Umuhoza (Institut des musées nationaux du Rwanda (INMR)

Programme de recherche : « GAP - Observatoire : Globalisation, Art et Prospective » (domaine Histoire de l’art mondialisée, sous la direction de Zahia Rahmani)

7eme date à déterminer

Journée de partage collectif avec les étudiant.e.s sur leurs projets et questions en lien avec ce dispositif. Dans un lieu à déterminer.

 

C – Évaluation

Présence indispensable aux séances proposées, pour élaborer une pensée sur les sujets abordés qui puisse questionner les manières de concevoir et de penser le destin des productions et de donner en suite des productions potentielles précises.

D – Bibliographie, sources iconographiques et documentaires, liens

 

Arndt, Lotte (2021) ‘The toxic afterlifes of colonial collections’ Trouble dans les collections, no. 2, https://troublesdanslescollections.fr/2246-2/

Arterberry, J.W.; Arkeketa, A. (2021) ‘The damage is permanent. Now what are we going to do?’, https://troublesdanslescollections.fr/2021/07/19/article-3-engl/

Beltrame, T.N. (2017) ‘L’insecte à l’oeuvre. De la muséographie au bruit de fond biologique des collections’, Techniques & Culture, 68 (2), 162–177.   ‬‬‬‬

Bondaz, J. (2019) ‘Les pièges de la collecte. Techniques d’acquisition et collectes ethnographiques en Afrique (1928–1960)’, Techniques & Culture, 71/1, 46–49. ‬‬

Carson, R. (2002 [1962]) Silent Spring, Boston, Houghton Mifflin.

Deliss, C.; Keck, F. (2016), ‘Occupy Collections!’, South as a State of Mind, 2, [https://www.documenta14.de/en/south/456_occupy_collections_clementine_deliss_in_conversation_with_frederic_keck_on_access_circulation_and_interdisciplinary_experimentation_or_the_urgency_of_remediating_ethnographic_collections_before_it_is_really_too_late]. 

l’Estoile, B. (2007) Le goût des Autres : de l'exposition coloniale aux arts premiers, Paris: Flammarion.

Etienne, N. (2018) ‘When Things Do Talk (in Storage). Materiality and Agency between Contact and Conflict Zones’, Grave, J., Holm, C., Kobi, V., Van Eck, C. (eds.): The Agency of Display: Objects, Framings and Parerga, Dresden: Sandstein Verlag, 165–178.

Lange, B. (2016) ‘Sensitive Collections’, Abonnenc, M.; Arndt, L.; Lozano, C. (eds): Crawling Doubles. Colonial Collecting and Affect, Paris: B42, 288-317.

Nixon, R. (2011) Slow Violence and the Environmentalism of the Poor, Cambridge: Harvard University Press.

Omstein, L. (2010) Poisonous Heritage. Pesticides in museum collections, Seton Hall University, Manuscript.

Opoku, K. (2019), A.L. (2008) L’influence des biocides sur la conservation des naturalia, Haute école Neuchatel, Berne, Jura, Diploma.

Rathgen, F. (1898) Die Konservierung von Altertumsfunden, Berlin: W. Spemann.

Sarr, F.; Savoy, B. (2018) The Restitution of African Cultural Heritage. Toward a New Relational Ethics, http://restitutionreport2018.com/sarr_savoy_en.pdf

Savoy, B. (2017) ‘Objets du désir, désir dobjets’. Leçon inaugurale prononcée la 30 mars 2017, Collège de France, [https://books.openedition.org/cdf/5024?lang=fr]. ‬‬

Shela Sheikh, Jumana Manna, Wild Relatives, https://www.librairielesquare.com/listeliv.php?form_recherche_avancee=ok&auteurs=Shela+Sheikh%2C+Jumana+Manna&select_tri_recherche=pertinence&page=1&drm=0

Spivak, G.C. (2004) ‘Righting Wrongs’, The South Atlantic Quarterly, 2-3/103, 523–581.

Tello, H.; Unger, A.; Gockel, F.; Jelen, E. (2005): ‘Decontamination of ethnological objects with supercritical carbon dioxide’, Preprints ICOM-CC, 1, 14th Triennial Meeting, The Hague, 12–16 September, 110–119.